De la diaspora
vietnamienne
Je suis persuadée
donc, avec un point d'attendrissement, de ce que ce ralentissement du
développement économique a trait à cette priorité très
bienveillante réservée aux femmes et aux enfants vietnamiens. Ne
sera-t-on pas assez injuste, de critiquer le parti communiste d'avoir
appauvri le pays, tandis que, avant lui, durant des siècles, le
Vietnam n'a connu guère une époque de prospérité remarquable ?
N'oublions pas cette dépendance que subit notre pays durant toute
son histoire envers l'empire chinois, lequel, malgré les échecs
retentissants de ses guerres d'invasion, a toujours essayé de
retenir l'ancien Vietnam sous leur emprise. Montesquieu, dans ses
« Considérations sur les causes de la grandeur des Romains
et de leur décadence », ont fait des analyses pertinentes
sur la fondation, l'expansion et le déclin de ce grand empire
romain. Nous trouvons bien des parralèles dans ses raisonnements et
ceux de Bossuet dans son « Discours sur l'histoire
universelle », quoi que Montesquieu semble prendre le
contre-pied de ce dernier, et n'est pas convaincu comme Bossuet que
c'est l'oeuvre de la Providence qui décide de tout. En effet, il
nous semble que tout empire commence à construire sa grandeur avec
des guerres dont son peuple est virtuose. Ayant en sa possession au
tout début un pays pauvre et des habitants guerriers, le fait
d'envahir les pays voisins leur rapporte de la richesse matérielle
ainsi que culturelle, car ce peuple est quand même doté d'une bonne
qualité, celle de savoir s'approprier les usages des autres peuples
qui sont meilleurs que les siens. Cette diversité, depuis toujours,
semble être l'origine de la force, et grâce à cela essentiellement
que cet empire s'étendait de plus en plus, au détriment des autres
peuples avoisinants qu'il essayait de maintenir dans la dépendance et dans un
état de faiblesse. Cette vaste étendue deviendra à un moment
difficile à gérer, tandis que le luxe et la corruption
affaiblissaient les gouverneurs suprêmes, C'en étaient des
principales parmi les autres causes du déclin de ce grand empire.
Fidèles à la tradition de leurs ancêtres, ces brigands sans trop
d'honneur, les Chinois croient jusqu'à nos jours de pouvoir
maîtriser ce peuple vietnamien endurant qui a su toujours leur
résister, et cela, même dans leur plus bas déclin.
Cependant, il est
judicieux pour nous, les Vietnamiens, de réfléchir sur notre
situation pour voir si nous pouvons mieux rendre service à notre
pays, afin de le faire développer et prospérer ? Serons-nous
capable de le faire ? Je crois que oui. Pendant ces années où
le Vietnam a vécu son indépendance, et particulièrement pendant la
période depuis la fin des guerres, nous avons sans cesse progressé,
avancé. Nous avons entretenu une éducation publique qui n'est peut
être pas la meilleure du monde, mais qui est quand même bien, et
bien précieuse. Nos femmes se sont émancipées, nos hommes ne se
tuent plus à la guerre. Nous sommes prêts pour une nouvelle phase
de développement, pour une nouvelle époque de paix et de
prospérité. Mais pour réaliser ce projet, nous devons repenser à
ce qui fait la force d'un peuple, c'est-à-dire, la diversité, il
semble que nous n'ayons pas d'autres chemins. S'ouvrir au monde,
accepter la différence avec tolérance, favoriser la diversité,
c'est le chemin de l'humanité.
La diversité
intrinsèque, la première que nous devons regarder, est
certainement la réconciliation du peuple vietnamien, dont on a tant
parlé. Au sein du pays ou dans la diaspora, il existe toujours entre
les Vietnamiens cette ligne de conflit, qui nous blesse. Cette
séparation existait, à mon avis, bien avant les deux guerres
déjà. Car chaque fois que je pense à cette fameuse famine de 1945,
depuis que j'ai été une enfant, je n'ai toujours pas compris
pourquoi dans un pays qui possède les deux grands deltas féconds,
deux milllions de vies ont été fauchées en si peu de temps et de
manière si atroce. C'est facile d'attribuer la faute aux Français,
aux Japonais, mais je me demandais si ce sont nos propres ancêtres
qui ont été insensibles devant le malheur de leurs compatriotes ?
Les accords de Genève ont divisé le pays en deux régions, et les
Sudistes ont joui encore et toujours de ce privilège des produits
abondants du delta du Mékong, et laissent le peuple du Nord dans sa
misère. Les Vietnamiens peuvent-ils être donc si durs, si insensibles ?
Heureusement, je pense que ce n'est pas entièrement la vérité.
Certes, nos ancêtres à cette époque n'étaient pas très cultivés,
et ils ne vivaient pas non plus dans l'abondance, et nous ne pouvons pas leur
exiger une grande générosité. Tandis que, nous voyons qu'ils
peuvent être gentils et généreux s'ils vivent bien et ont reçu
une bonne éducation. Et nous avons la preuve que la diaspora, chaque
année, envoient des fonds importants pour leurs familles au Vietnam et
contribuent considérablement au développement du pays. Cette bonté
et cette générosité me consolent des regrets amers et de la tristesse profonde en pensant à
ceux qui ont péri dans la grande famine de jadis.
(à suivre)
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