mardi 30 juin 2015

Lettre ouverte adressée à M. Nguyen Phu Trong, à l'occasion de sa visite prochaine des Etats-Unis (2)


(suite)

A part la guerre, nous avons aussi à avoir peur d'une dépendance économique qui coûte notre indépendance si chère à nous, que l'Oncle Ho et le général Giap, avec tant d'autres de leur génération ont payé avec leur vie. L'argent peut-il racheter ce sang versé ? Avons-nous besoin de tant d'argent ? Sommes-nous tant pressés pour une prospérité superficielle et un faux développement sous l'ombre malveillante de la Chine, que nous bouleversons toutes les valeurs que nos ancêtres et nous avons défendues depuis le commencement de notre peuple ?

J'ai de l'espoir et de la confiance que la Chine, comme tout autre pays et tout autre peuple, est en train de se développer et aspire à devenir un beau pays avec toute sa dignité. Néanmoins le chemin leur semble être encore long, tant que le peuple chinois ne sait se surmonter, notamment de l'influence confucianiste qui reste un gros boulet attaché à leurs pieds. Le confucianisme a fait son temps. Certes il a bien servi à un moment de l'histoire et fait partie intégrante de la culture chinoise, mais il a été utile et a déployé ses puissances à une époque où l'humanité aimait résoudre ses problèmes par les guerres, et cette doctrine a ainsi aidé à faire régner un ordre essentiellement patriarcal dans une société où la discrimination se voit légitime.

La Chine se trouve donc encore prise dans ses pièges, et nous, tout comme le peuple chinois, avons intérêt de chercher nos solutions ailleurs que entre nos deux pays. Une ouverture vers le monde et les cultures du monde n'est point une notion nouvelle. Le Japon, la Thaïlande, la Corée du Sud, les Philippines et notamment la France … l'ont fait, et nous pouvons voir comment ces pays ont devenus prospères et agréables à vivre. Pourquoi s'enfermer en soi-même, tandis que l'autre est toujours un nouveau monde fascinant à découvrir ?

La prochaine visite des Etats-Unis que vous entreprenez très prochainement, Monsieur le Secrétaire général du Parti Communiste, est donc très symbolique et on ne peut plus favorable dans cet air du temps. Ce Parti, qui se veut être un parti du peuple pauvre, a tous ses mérites en ce sens, mais il sera encore plus fort, s'il peut montrer son esprit ouvert envers les autres peuples. Les Etats-Unis nous seront utiles pour cette oeuvre, ce pays qui, par sa jeunesse, se fiche assez de la tradition et se montre même bien féroce de temps en temps, a su quand même favoriser la diversité dans maints domaines, social ou culturel et autres, ce qui fait leur force. Le Vietnam est sorti de la pauvreté, nous pouvons le dire, et le peuple souhaite une vie plus belle, plus riche. La Chine et ses contraintes confucianistes stériles et pesantes n'intéressent plus personne. Sans attendre des aides grandioses de la part des Etats-Unis, nous pouvons espérer une coopération fructueuse avec eux qui nous éloignera de la Chine, sinon géographiquement, du moins mentalement.

De quoi donc notre peuple a-t-il besoin, notamment en ce moment ? A voir notre grand émoi à la mort du Général Vo Nguyen Giap, dont le coeur est l'exemple de l'amour de la patrie et du peuple, saurons-nous comprendre ses aspirations, ses demandes ? Il y a près de soixante-dix ans depuis que Ho Chi Minh, Vo Nguyen Giap, soutenus par le peuple, ont déclaré notre indépendance. Nous avons traversé deux grandes guerres et d'autres conflits pour obtenir finalement la réunification du pays. Notre souhait le plus grand a été exaucé, celui pour lequel tant de grands hommes ont combattu et ont perdu leur vie. Je pense à Phan Boi Chau, Phan Chu Trinh, Nguyen Thai Hoc, Nguyen An Ninh... ces grands intellectuels qui ont oeuvré avec tant de courage, avec leur esprit et leur coeur, pour leur voeu pour un peuple vietnamien pacifique, heureux et libre. C'est maintenant pour nous le moment de penser à cette dette de reconnaissance envers ces héros, envers nos ancêtres qui ont tant fait pour sauvegarder ce Vietnam qui est l'un des plus beaux pays du monde.

Il est des gens qui pensent en ce moment à une institution démocratique, à composer un gouvernement de plusieurs partis, de hausser la voix contre le désir d'expansionnisme chinois... qu'ils oeuvrent pour leur foi et leur idéal ! Quant à moi, modeste citoyenne, je pense à une réforme profonde de l'éducation nationale qui est à notre portée, et qui est vraiment fondamentale, pour tout peuple, tout pays, tout gouvernement. La France a ainsi fait, cent ans après leur grande Révolution, et est devenue actuellement le pays de la démocratie, de la culture et de la civilisation. Le Japon a ainsi fait, et est devenu une grande puissance de l'Asie, malgré son étendue géographique modeste. Dans tout pays qui possède une belle éducation, son peuple vit dans la paix et le bonheur. Cela ne sera-t-il convaincant pour nous ouvrir à cette voie ? L'éducation, par rapport aux autres domaines, nécessite moins d'investissement et rapporte plus de bénéfice. Au niveau de l'individu, de la famille, de la région, de la nation... la réussite de l'éducation nous rapporte tous les jours les preuves d'un développement harmonieux et solide.

De l'éducation

Ho Chi Minh et Vo Nguyen Giap ont débuté à grande vitesse l'oeuvre de l'alphabétisation pour le peuple, immédiatement après la proclamation de l'indépendance du pays, et l'impact précieux de cette entreprise était d'améliorer considérablement le niveau de culture des gens, et cela en comparaison avec le peuple chinois qui reste jusqu'à nos jours pour la plupart inculte, à cause d'une langue trop difficile en écriture. Leur oeuvre, à eux deux, n'a pas été développée comme l'on souhaitait, c'est-à-dire, plutôt lentement, pour des raisons plus ou moins indépendantes de leur volonté, mais ses fruits se font voir déjà avec une génération des scientifiques talentueux comme Ngo Bao Chau, Dam Thanh Son, Vu Ha Van, Nguyen Tien Dung, et j'en passe... Notre devoir sera de continuer ces résultats et ces tâches, et de les amplifier, puisque, plus fortunés que nos pères et frères, nous vivons dans une époque de paix, d'indépendance et d'unité du pays. Nous nous devons favoriser l'épanouissement des talents du peuple, qui sont d'ailleurs nombreux, et renouveler et augmenter ainsi les chances de développement du pays.

Le peuple vietnamien est pourvu d'un talent militaire incontestable, malgré notre mentalité plutôt pacifique : les Vietnamiens ont toujours vaincu les envahisseurs, y compris les empires les plus puissants : l'armée invicilble de Gengis Khan, les dynasties féodales chinoises, le facisme japonais, les colonialistes Français, l'impérialisme américain... – cette mentalité belliqueuse sans être agressive pourrait-t-elle fournir une énergie puissante et abondante si elle est orientée vers une oeuvre pacifique, à savoir le développement économique et culturel du pays ? L'éducation, l'enseignement supérieur et la recherche seront le levier du développement, vu les caractéristiques de la culture vietnamienne et la mentalité du peuple.

Pour ce qui est les objectifs de l'éducation, je pense à deux tâches essentielles : la première est une éducation générale et populaire, qui fournit à tous les enfants des connaissances générales et utiles pour leur vie; la deuxième est l'entraînement physique (je souligne, car il semble être bien négligé par les Vietnamiens) et une alimentation saine et appropriée, qui aident à former un corps vigoureux et sain, conditions nécessaires pour un esprit fécond et lucide. Nous avons la chance que les Vietnamiens mettent beaucoup d'importance dans les études, essayons donc de profiter justement et sagement de ce privilège dont tant d'autres pays rêvent. En effet, j'ai ouï formuler par quelques esprits remarquables des hypothèses selon lesquelles, par exemple, si l'économie française connaît des difficultés en ce moment, c'est parce que les sciences naturelles, dont les mathématiques, n'ont pas été enseignées efficacement dans leur enseignement secondaire, et ce, au moins en l'espace d'une génération. Ce n'est pas le cas de l'éducation du Vietnam, je le suppose et l'espère, qui semble enseigner assez bien ces matières au niveau secondaire, et dont les problèmes résident plutôt dans l'enseignement supérieur. Pour cette dernière question, je me refère au travail de l'équipe VED, dirigé par monsieur Ngo Bao Chau et d'autres professeurs avec leur site web hocthenao.vn, qui s'intéresse particulièrement en ce moment à ce sujet, et qui en a publié des travaux sérieux.

Consciencieux de l'importance des sciences de base qui font prospérer l'économie, nous ne devons pas négliger non plus les sciences sociales et humaines, qui font prospérer les pensées et l'âme du peuple, et nous essayons ainsi de maintenir une harmonie dans notre vie spirituelle et mentale. Pour ce faire, l'enseignement des langues étrangères se révèle être particulièrement important, en ce que celles-ci sont des clés qui nous ouvrent les portes à des trésors de cultures du monde et des connaissances de l'humanité.

(à suivre)

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