jeudi 2 juillet 2015

Lettre ouverte adressée à M. Nguyen Phu Trong, à l'occasion de sa visite prochaine des Etats-Unis (4)

(suite)

De la diaspora vietnamienne

Je suis persuadée donc, avec un point d'attendrissement, de ce que ce ralentissement du développement économique a trait à cette priorité très bienveillante réservée aux femmes et aux enfants vietnamiens. Ne sera-t-on pas assez injuste, de critiquer le parti communiste d'avoir appauvri le pays, tandis que, avant lui, durant des siècles, le Vietnam n'a connu guère une époque de prospérité remarquable ? N'oublions pas cette dépendance que subit notre pays durant toute son histoire envers l'empire chinois, lequel, malgré les échecs retentissants de ses guerres d'invasion, a toujours essayé de retenir l'ancien Vietnam sous leur emprise. Montesquieu, dans ses « Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence », ont fait des analyses pertinentes sur la fondation, l'expansion et le déclin de ce grand empire romain. Nous trouvons bien des parralèles dans ses raisonnements et ceux de Bossuet dans son « Discours sur l'histoire universelle », quoi que Montesquieu semble prendre le contre-pied de ce dernier, et n'est pas convaincu comme Bossuet que c'est l'oeuvre de la Providence qui décide de tout. En effet, il nous semble que tout empire commence à construire sa grandeur avec des guerres dont son peuple est virtuose. Ayant en sa possession au tout début un pays pauvre et des habitants guerriers, le fait d'envahir les pays voisins leur rapporte de la richesse matérielle ainsi que culturelle, car ce peuple est quand même doté d'une bonne qualité, celle de savoir s'approprier les usages des autres peuples qui sont meilleurs que les siens. Cette diversité, depuis toujours, semble être l'origine de la force, et grâce à cela essentiellement que cet empire s'étendait de plus en plus, au détriment des autres peuples avoisinants qu'il essayait de maintenir dans la dépendance et dans un état de faiblesse. Cette vaste étendue deviendra à un moment difficile à gérer, tandis que le luxe et la corruption affaiblissaient les gouverneurs suprêmes, C'en étaient des principales parmi les autres causes du déclin de ce grand empire. Fidèles à la tradition de leurs ancêtres, ces brigands sans trop d'honneur, les Chinois croient jusqu'à nos jours de pouvoir maîtriser ce peuple vietnamien endurant qui a su toujours leur résister, et cela, même dans leur plus bas déclin.

Cependant, il est judicieux pour nous, les Vietnamiens, de réfléchir sur notre situation pour voir si nous pouvons mieux rendre service à notre pays, afin de le faire développer et prospérer ? Serons-nous capable de le faire ? Je crois que oui. Pendant ces années où le Vietnam a vécu son indépendance, et particulièrement pendant la période depuis la fin des guerres, nous avons sans cesse progressé, avancé. Nous avons entretenu une éducation publique qui n'est peut être pas la meilleure du monde, mais qui est quand même bien, et bien précieuse. Nos femmes se sont émancipées, nos hommes ne se tuent plus à la guerre. Nous sommes prêts pour une nouvelle phase de développement, pour une nouvelle époque de paix et de prospérité. Mais pour réaliser ce projet, nous devons repenser à ce qui fait la force d'un peuple, c'est-à-dire, la diversité, il semble que nous n'ayons pas d'autres chemins. S'ouvrir au monde, accepter la différence avec tolérance, favoriser la diversité, c'est le chemin de l'humanité.

La diversité intrinsèque, la première que nous devons regarder, est certainement la réconciliation du peuple vietnamien, dont on a tant parlé. Au sein du pays ou dans la diaspora, il existe toujours entre les Vietnamiens cette ligne de conflit, qui nous blesse. Cette séparation existait, à mon avis, bien avant les deux guerres déjà. Car chaque fois que je pense à cette fameuse famine de 1945, depuis que j'ai été une enfant, je n'ai toujours pas compris pourquoi dans un pays qui possède les deux grands deltas féconds, deux milllions de vies ont été fauchées en si peu de temps et de manière si atroce. C'est facile d'attribuer la faute aux Français, aux Japonais, mais je me demandais si ce sont nos propres ancêtres qui ont été insensibles devant le malheur de leurs compatriotes ? Les accords de Genève ont divisé le pays en deux régions, et les Sudistes ont joui encore et toujours de ce privilège des produits abondants du delta du Mékong, et laissent le peuple du Nord dans sa misère. Les Vietnamiens peuvent-ils être donc si durs, si insensibles ? Heureusement, je pense que ce n'est pas entièrement la vérité. Certes, nos ancêtres à cette époque n'étaient pas très cultivés, et ils ne vivaient pas non plus dans l'abondance, et nous ne pouvons pas leur exiger une grande générosité. Tandis que, nous voyons qu'ils peuvent être gentils et généreux s'ils vivent bien et ont reçu une bonne éducation. Et nous avons la preuve que la diaspora, chaque année, envoient des fonds importants pour leurs familles au Vietnam et contribuent considérablement au développement du pays. Cette bonté et cette générosité me consolent des regrets amers et de la tristesse profonde en pensant à ceux qui ont péri dans la grande famine de jadis.

(à suivre)

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